Message de l'évêque Patrick Streiff

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Message de l’évêque Patrick Streiff à l’occasion de la 16e session de la Conférence Centrale de l'Europe du Centre et du Sud du 15 au 19 mars 2009 à Dübach (Suisse)

« Susciter des disciples à Jésus-Christ pour que le monde soit transformé »

La Mission de l’Église

  1. Les églises locales, lieux où la mission est vécue
  2. La mission de l’église et la vocation de direction/responsabilité des laïques et des pasteurs.
  3. Le mandat missionnaire de l’Église et l’identité méthodiste
  4. La mission de l’Église et notre réseau de connexion

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La Mission de l’Église

«Vivre l’Église comme une Mission» était l’un des quatre points avec lesquels j’avais présenté les accents dominants de mon futur ministère, à l’occasion de mon élection à l’épiscopat. Des textes bibliques, des documents d’études théologiques et mon travail concernant l’histoire de notre propre Église, avaient renforcé ma conviction que la mission fait partie de l’essence même de l’Église.

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«L’Église a la mission de conduire des hommes et des femmes à devenir disciples de Jésus Christ, afin que le monde soit transformé. La communauté locale est le lieu où cette mission se manifeste et est réalisée de la façon la plus visible».

(Art.120 – CG 2008)

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Par mon travail à la version allemande du Règlement d’Église, je savais que l’ordre missionnaire du Christ ressuscité y est cité, selon l’Évangile de Mathieu, à un endroit central, pour décrire la mission de l’Église. Lors de ma première séance au sein du Conseil des Évêques, j’ai découvert combien l’ordre missionnaire était devenu le principe directeur du travail. Ceux d’entre nous qui étaient délégués à la Conférence Générale (CG) ont également été confrontés à ce principe. L’expression «afin que le monde soit transformé» a été officiellement intégrée dans la phrase initiale du Règlement d’Église concernant le service de tous les chrétiens.

C’est ainsi que j’ai choisi ce principe directeur comme thème de mon message épiscopal. Je le relie aux quatre points que j’avais évoqués avant mon élection, vu qu’ils sont importants pour moi, en vue de mon service en tant qu’évêque :

  • Vivre l’Église comme une Mission ;
  • Assurer la gestion du personnel dans la reconnaissance des valeurs humaines et la prise en compte de la mission commune ;
  • Promouvoir la conscience d’une identité méthodiste, à partir du cœur de l’Évangile sans se démarquer ;
  • Affermir les liens solidaires (la connexion) au sein de l’Église au bénéfice d’un service efficace dans le monde.

Les ministères concernant l’ensemble de l’Église, - et le ministère épiscopal en fait partie -, peuvent contribuer à fixer des objectifs précis, favoriser l’exercice des différents dons pour le bien commun et le soutien solidaire des faibles. Cependant la mission de l’Église se réalise le plus nettement dans ses communautés locales.

  1. Les églises locales, lieux où la mission est vécue

Je suis encore loin d’avoir pu visiter toutes les églises locales de la Conférence centrale. À l’occasion de ma première rencontre avec les surintendant (e) s, j’ai bien fait comprendre qu’ils ne devaient pas s’attendre à ce que l’évêque viendrait dans les églises pour des inaugurations ou fêtes jubilaires. Ma première priorité, à côté des Conférences, est le contact avec les pasteur (e) s. En plus de cela, j’ai visité des églises locales dans beaucoup de pays en dehors de la Suisse et de la France. Cela m’a aidé à connaître les situations sur place et m’a donné la possibilité de rencontrer les hommes et femmes dans leurs communautés.

Les églises locales sont très diverses, non seulement par comparaison entre les différents pays, mais aussi à l’intérieur de chaque pays. Alors que, dans les premières années qui ont suivi la chute des régimes communistes, de nouvelles églises ont été implantées dans beaucoup de pays de l’Europe centrale et des Balkans, cette tendance s’est nettement ralentie. Les finances et le personnel nous manquent pour une expansion plus large et de plus grand style. En beaucoup d’endroits, des églises nouvellement fondées sont encore petites. Pour cette raison, il sera nécessaire de donner, à l’avenir, davantage d’importance à la croissance de ces petites communautés.

Dans ce contexte, deux observations pourraient être intéressantes, pas seulement pour les pays anciennement communistes de l’Europe centrale-orientale et des Balkans, directement concernés. D’une part, un grand nombre d’églises locales ont apporté beaucoup d’aide d’urgence (vêtements, repas chauds en hiver etc.) dans les années 90, extrêmement difficiles sur le plan économique. Cette aide n’a jamais été conditionnée par le fait d’être membre ou non de l’église. Mais malgré cela, s’est répandue une attitude consistant à penser que des membres d’église auraient droit à l’aide, même si d’autres personnes habitant au même lieu en auraient davantage besoin. Ou bien la pensée selon laquelle l’église était là pour répondre à ses besoins personnels, s’est insinuée dans les esprits. Face à de telles attentes, un changement de mentalité est nécessaire. Ce sont les personnes qui soutiennent personnellement et activement l’Église dans sa mission, qui sont appelées à devenir membres d’église. Les communautés qui croissent, en Europe centrale-orientale et dans les Balkans, sont celles qui, de façons diverses, sont actives sur le plan social et diaconal; Leur rayonnement s’étend dans leur milieu environnant. Elles se distinguent aussi par une annonce du message de l’Évangile par lequel des personnes sont appelées à suivre personnellement Jésus Christ. Elles combinent, de façon bien méthodiste, les deux dimensions, sociale et personnelle, de la sanctification.

D’autre part, beaucoup de communautés qui, avec grande fidélité, s’étaient rassemblées pendant l’époque communiste, ont éprouvé des difficultés à s’ouvrir à de nouvelles formes de culte et de travail paroissial. Il était souvent plus facile de fonder une nouvelle église que d’avancer, avec une église ancienne, vers de nouveaux rivages. La brochure éditée à l’occasion du 50e anniversaire de la fondation de la Conférence centrale portait le titre : « Avec le feu du premier amour et avec les eaux calmes et profondes de la foi éprouvée». Ce titre illustre très bien, et de façon imagée, cette différence. Qu’ont en commun le feu et l’eau ? L’eau ne se laisse pas embraser par le feu, et le feu est éteint par l’eau. Et pourtant ces deux éléments peuvent refléter une authentique expérience de foi, mettre en évidence ce que signifie suivre Jésus Christ et nous aider à vivre l’Église comme une Mission. Cependant, pour ce qui concerne nos rapports avec le feu, nous avons, dans tous les pays de notre Conférence Centrale, plus de difficultés qu’avec l’eau. Cette difficulté, nous la partageons avec tous les mouvements de renouveau qui ont acquis une stabilité non dépourvue, certes, d’aspects positifs. Ce qui me fascine chez Wesley, c’est qu’à son époque, il a su canaliser le feu du réveil en un courant profond et puissant de transformation de la société. Pour arriver à un tel résultat, il faut être proche des gens, les conduire avec clarté et fermeté et avoir un large horizon.

Les communautés locales sont le lieu où l’envoi en mission de l’Église se manifeste avec le plus de netteté et peut porter des fruits. Les cinq signes distinctifs que l’évêque Schnase a présentés dans son livre relatif aux églises qui portent des fruits, peuvent être d’une grande aide pour toutes nos églises, à l’Est comme à l’Ouest, dans un environnement protestant, catholique, orthodoxe ou multireligieux. :

  • Exercer l’hospitalité de façon désintéressée 
  • Célébrer les cultes avec passion
  • Cibler la croissance spirituelle
  • Prendre des risques en terme de témoignage et de service
  • Etre étonnamment généreux. 

L’introduction que nous a présentée l’évêque Schnase à l’occasion d’une rencontre européenne de tou (te) s les surintendant (e) s, en novembre 2007, nous avait convaincus que des questions fondamentales, utiles à toutes nos communautés locales, leur permettant de mieux vivre leur mission, ont été ainsi évoquées. Je me réjouis de ce que ce livre est disponible actuellement, du moins en langue allemande et anglaise (avec une version condensée en russe). C’est bien volontiers que j’en recommande l’étude dans toutes nos églises. Il nous entraîne à la suite de Jésus Christ, permettant à nos communautés de devenir de puissants agents de transformation dans la société.

Il existe, il est vrai, encore un thème refoulé, que nous n’évitons que trop souvent : l’encouragement délibéré au témoignage par le fait de devenir membre de l’Église. J’entends déjà des arguments qui me sont connus : que cela n’intéresse plus personne de devenir membre d’une organisation, qu’il ne peut pas s’agir de recruter des membres pour une église particulière, afin de garantir sa survie, ou bien encore qu’il n’est pas important de devenir membre, pourvu qu’on soit chrétien. Ainsi nous ressemblons beaucoup à une organisation qui réalise un excellent travail, mais qui craint de chercher à s’assurer la meilleure relève possible pour ses collaborateurs. La question primordiale que nous devrions nous poser n’est pas de savoir si et où nous croissons numériquement. Dans l’Église, comme dans l’économie, les objectifs de croissance génèrent avant tout du stress. Ma question primordiale concerne plutôt une attitude de fond : nous souhaitons-nous une relève de tous âges qui assure une coopération pour la continuité et l’extension de la mission ? Les personnes qui deviennent membres confessants dans l’EEM témoignent de leur volonté de suivre le Christ et de soutenir activement la mission fondamentale de notre Église. Si nous sommes convaincus qu’en tant qu’Église, nous vivons et réalisons une mission fondée bibliquement, nous pouvons joyeusement faire du « recrutement », c’est-à-dire inviter des personnes à exprimer cette confession et à participer activement à cette mission. La quantité de fruit qui en résultera est dans la main de Dieu.

  1. La mission de l’église et la vocation de direction/responsabilité des laïques et des pasteurs.

Le 2e point fort que j’avais évoqué il y a 4 ans dans le cadre de mon engagement en tant qu’évêque était de « veiller à une conduite du personnel qui tient compte des valeurs humaines et qui pointe vers notre objectif commun à tous ». J’étais conscient que c’était expressément dans le domaine de la gestion et conduite des ressources humaines que la palette de compétences de l’évêque devait être large. Ainsi, par ex. c’est lui qui détient l’ultime responsabilité de l’affectation des pasteur/es. Un point auquel j’ai particulièrement tenu en ces premières années d’engagement, a été la participation aux différentes réunions nationales des pasteur/es, en plus des contacts directs que j’ai avec les surintendant/es.

Lors de mon élection, je ne pouvais faire valoir aucune expérience de collaboration au sein d’un cabinet. C’est pourquoi j’ai particulièrement apprécié d’avoir pu participer durant quelques mois aux séances du cabinet de la Conférence Suisse/France, et ce, avant même de reprendre officiellement les fonctions de l’évêque Bolleter. Dans les autres Conférences annuelles – à l’exception de celle de Pologne qui comptent trois surintendants et qui est régie par un règlement interne propre – il n’y a généralement qu’un/e seul/e surintendant/e par pays. Cela ne permet pas les échanges d’idées et la richesse du travail d’équipe tel qu’il est vécu au sein du cabinet de la Conférence annuelle Suisse/France qui compte cinq membres.

C’est pourquoi, au sein de la Conférence annuelle tchèque et slovaque par ex., nous avons maintenant réparti les tâches de façon différente, par l’élection d’un surintendant pour la Slovaquie, et par des réunions de cabinet à trois participants.

Dans toutes les discussions et décisions que je partage avec les surintendant/es, de même qu’au cours de mes entretiens avec des collaborateurs/trices, il me tient particulièrement à cœur de garder à l’esprit les valeurs humaines de mon interlocuteur, ainsi que notre objectif commun. Ces deux attitudes trouvent leur fondement dans l’Évangile. En effet, Jésus a rencontré ses contemporains avec l’amour sécurisant et valorisant qui vient de Dieu, et en même temps, il les a appelés à le suivre, donc à poursuivre un objectif devenu commun. Ces deux attitudes sont également importantes dans le travail entre pasteur/es et laïques au sein des circuits, de même que dans les contacts avec les bénévoles qui s’engagent dans les communautés. Il nous sera bénéfique, en tant qu'Église, de veiller à développer et cultiver ces attitudes, bien que la culture sociale de l’entregent soit très différente suivant les régions.

« Dans l’Église Évangélique Méthodiste, des hommes et des femmes, pasteurs et laïques, ont une vocation de direction… le privilège de l’engagement en tant que responsable est de participer à l’édification spirituelle des communautés, et de l’Église dans son entier, pour la mission dans le monde entier. L’engagement en tant que responsable vise à encourager les hommes et les femmes à suivre le Christ, et à les accompagner. John Wesley le décrivait par les mots « veiller avec amour les uns sur les autres ». Art 136

Du temps du communisme, dans bien des pays, les pasteur/es devaient accomplir eux-mêmes les nombreuses tâches et engagements importants de la vie d’église. C’est pourquoi aujourd’hui encore, c’est parfois un réel processus d’apprentissage que de laisser par ex. un laïque présider un conseil de l’église locale ou d’accepter que les responsables laïques, ou les délégués à la Conférence annuelle, aient besoin de se retrouver entre eux pour débattre et se faire une opinion. En tant qu’Église qui a été fortement marquée et formée par des laïques actifs, il est nécessaire en maints endroits de réapprendre à déléguer des compétences et des tâches aux laïques. Encourager les compétences de direction parmi les laïques et les pasteur/es deviendra à l’avenir un point essentiel de notre travail. Il est réjouissant de constater combien l’engagement féminin, entre autres au sein du Carrefour des Femmes, s’est développé dans les différents pays de notre Conférence. Dans ce domaine spécifique, un important travail de soutien et d’encouragement a été accompli.

La clarté du Règlement d’Église concernant l’inclusivité étaye tout effort qui est fait pour susciter la participation des laïques. Prendre des responsabilités dans notre église ne dépend ni de l’origine, ni de la position sociale, ni de la couleur de peau, ni du sexe de la personne concernée. L’Église peut être ainsi, à l’Ouest comme à l’Est, un signe tangible du Royaume de Dieu dans notre société qui parle d’égalité tout en échafaudant toujours de nouvelles barrières. C’est avec gratitude que je prends connaissance de cette unité nouvelle en Christ, partout où je vais, par ex. par un engagement auprès des Roms en Europe centrale-orientale et les Balkans, ou dans celui auprès des migrants qui sont présents dans nos paroisses en Autriche, en Suisse et en France.

« Fidèles à l’exemple du Christ, nous nous savons appelés à servir tous les hommes, dans toute leur diversité. L’inclusivité caractérise une attitude fondamentale prônant l’ouverture, l’acceptation et le soutien à tout un chacun, lui permettant ainsi de participer à la vie de l’église, de la société et du monde. » Art. 138

Ce sont principalement les anciens ordonnés qui prennent des responsabilités de direction au sein de l’Église. Dans les pays de l’Europe centrale-orientale et dans les Balkans toutefois, un nombre réjouissant de jeunes gens s’est annoncé pour le pastorat dans les années 90. Ils ont pu suivre une formation théologique et sont maintenant au service de l’Église. Récemment toutefois, le nombre de candidats a fléchi. Cela tient certainement d’une part à l’évolution de la société, sujet sur lequel je reviendrai par la suite, mais aussi à la question de savoir combien de postes pastoraux l’Église sera en mesure de financer, et si elle peut garantir un salaire qui permette une vie décente. En Europe de l’Ouest, le nombre de candidats émanant de nos propres milieux reste trop faible. En Suisse par exemple, nous engageons à présent majoritairement des collaborateurs qui viennent de l’extérieur de notre Église. C’est un enrichissement dans bien des domaines, mais également un grand défi que de les intégrer au mieux, tout en leur donnant en même temps déjà, des fonctions dirigeantes.

Il existe pour l’engagement pastoral, en particulier dans le bassin germanophone, une sorte « d’économie de marché » avec ses mécanismes d’offres et de demandes. Actuellement, cela se caractérise par un surchoix de personnes émanant des églises protestantes allemandes, bien qu’un changement d’évolution soit prédit d’ici cinq à dix ans en raison du grand nombre de personnes qui prendront leur retraite au sein des églises protestantes d’Allemagne et de Suisse. En tant qu’EEM, nous avons tout intérêt à attirer l’attention sur le sujet de la vocation au ministère pastoral ou à tout autre engagement à plein-temps, au sein de nos communautés, et à susciter des vocations. Je suis profondément convaincu que là où Dieu appelle des hommes et des femmes, et où des communautés peuvent confirmer cet appel, l’engagement financier pour des pasteur/es sera garanti. Je suis totalement confiant en la grâce prévoyante de Dieu, et cela, même par-devers des prévisions statistiques qui annoncent que dans le pays X nous aurons, en l’an Y, bien trop de collaborateurs pastoraux.

Assumer une responsabilité de direction est devenu plus complexe. Les attentes ont grandi de toutes parts, venant des communautés sur le plan de la collaboration entre pasteur/es et membres d’église, ou concernant les affectations pastorales. «Plaire à tout le monde est un art que personne ne maîtrise!»1 est un dicton qui ne s’applique pas seulement, mais aussi, à l’affectation pastorale. S’orienter d’après le mandat commun peut et doit être un pôle correcteur face à des besoins personnels ou communautaires, en soi légitimes eux-aussi. À nous orienter d’après le mandat qui nous unit, nous trouverons une perspective d’avenir dans notre engagement commun au service du Seigneur. Je suis bien sûr conscient des erreurs humaines et des mauvaises appréciations possibles également lors d’affectations pastorales. On peut heureusement en tirer un enseignement pour une application plus appropriée. L’acceptation de la pratique méthodiste de l’affectation pastorale obligatoire est confortée, hier comme aujourd’hui, par les diverses expériences vécues sur des chemins difficiles, chemins qui se sont toutefois révélés être les voies de Dieu. Mais évidemment, cela ne pourra toujours que se confirmer par après. Dans une attitude prospective, un nouveau chemin, particulièrement si c’est un chemin difficile, ne peut devenir une voie de Dieu qu’en espérance. Rester conscients de bonnes expériences vécues tant par les communautés que par les pasteur/es lors d’affectations pastorales est riche de sens dans un temps où une décision n’est considérée comme appropriée à sa personnalité que lorsqu’on l’a prise en sa propre responsabilité.

  1.  Le mandat missionnaire de l’Église et l’identité méthodiste

« Un méthodiste est un homme « dans le cœur duquel est répandu l’amour de Dieu par l’action du Saint-Esprit, qui lui est donné » (Rm 5.5), un homme qui « aime le Seigneur, son Dieu, de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée et de toutes ses forces » (Dt 6.5 ; Mt 22.37).… Pendant qu’il exprime son amour pour Dieu en priant sans cesse, en étant toujours joyeux et reconnaissant en toute chose (1Thess 5.16-18a), le commandement suivant est aussi écrit dans son cœur : « Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère » (1Jn 4.21). (John Wesley, les signes distinctifs d’un Méthodiste, 1742, § 5+9)

J’avais défini un troisième axe de mon ministère d’évêque, il y a quatre ans, dans les termes suivants : « promouvoir l’identité méthodiste — à partir du cœur de l’Évangile, sans vouloir se démarquer ». Dans mes années de ministère à temps partiel en tant que directeur d’études du « Centre Méthodiste de Formation Théologique », j’ai pris conscience de l’importance de cette préoccupation. Chez Wesley lui-même, j’ai appris que l’identité méthodiste ne peut s’établir qu’à partir du cœur de l’Évangile : on ne se définit pas comme méthodiste en se démarquant des autres. Celui qui lit le traité « Les signes distinctifs d’un méthodiste » tombe sur un grand nombre de références bibliques. Wesley décrit un méthodiste en faisant une série de citations bibliques. Au début du traité, il fait clairement savoir que l’essentiel n’est pas dans des convictions, des enseignements ou des formes de piété spécifiques. Si d’autres Églises et chrétiens partagent les mêmes convictions que les méthodistes, tant mieux. L’essentiel est que les méthodistes connaissent et vivent le cœur de l’Évangile. Wesley explique ce cœur de l’Évangile par des citations bibliques, qui décrivent une expérience de la foi libératrice et joyeuse et son impact dans la vie. Central est à cet égard le thème de l’amour, l’amour de Dieu pour nous et notre réponse d’amour envers Dieu et notre prochain.

Quand je me suis entretenu avec des dirigeants de la Conférence annuelle Suisse-France, dans les mois qui ont suivi mon élection comme évêque, je les ai souvent entendus dire qu’ils avaient du plaisir à travailler dans notre Église. Ils apprécient chez elle l’accent mis sur une foi personnelle et vivante alliée à une largesse de cœur et d’esprit. Mais ils ont souvent du mal à expliquer aux autres qui nous sommes. Et effectivement, il serait beaucoup plus simple de définir sa propre identité en se démarquant des autres. Ils ont évoqué le besoin de mieux pouvoir dire qui nous sommes en tant que méthodistes, ce qui a déclenché le processus d’élaboration du profil de l’EEM. C’est presque en même temps que, d’une part naît le profil de l’EEM au sein de la Conférence annuelle Suisse-France et que d’autre part j’ai découvert à quel point l’Église Évangélique Méthodiste dans le monde cherche à consolider la diversité de ses activités et à définir un objectif commun. Ceci a été fait quand le Conseil des Évêques a résumé la mission de l’Église à partir du Règlement de l’Église en sept points principaux. Ces derniers ont été ensuite réduits à quatre points prioritaires retenus désormais par les responsables de la Conférence générale comme base de travail :

  1. Former des dirigeants chrétiens fermes de caractère pour l’Église et pour le monde,
  2. Implanter de nouvelles communautés pour de nouvelles personnes et travailler au renouveau des communautés existantes,
  3. Réduire la pauvreté en travaillant avec les pauvres,
  4. Éliminer les maladies mortelles des pauvres et améliorer leur santé dans le monde entier.

Le Conseil stratégique de la Conférence annuelle Suisse-France fait désormais le lien entre les deux préoccupations, le mandat missionnaire et le profil de l’EEM. Celui-ci , avec sa vision, « En chemin avec le Christ — animés par Dieu — tournés vers les humains », gagne en sens et en dynamique avec l’orientation du mandat missionnaire « Amener les gens à devenir disciples de Jésus-Christ pour transformer le monde »., la grande vision du profil de l’EEM  gagne en sens et en dynamique. Nous savons ainsi encore mieux en quoi et pourquoi nous sommes « en chemin avec le Christ ». En lançant le profil de l’EEM, nous avons réussi, à partir du cœur de l’Évangile, et dans le langage d’aujourd’hui, à dire qui nous sommes en tant que Méthodistes. Quelques mois après l’adoption du profil de l’EEM, je suis tombé lors de la Conférence annuelle de la Bulgarie sur une traduction bulgare. Cela montre bien l’actualité de ces lignes directrices au-delà des frontières nationales.

La promotion de l’identité méthodiste est étroitement liée au domaine cité précédemment de la direction d’église, en particulier au domaine de la formation théologique initiale et continue des pasteurs. La Commission pour la formation supérieure et le ministère (General Board of Higher Education and Ministry) avait pris la grande initiative de soutenir les séminaires théologiques de l’Europe de l’Est mais cette initiative était limitée à une durée de quatre ans. Au terme de cette période, les responsables de notre Conférence centrale et d’autres pays européens se sont rencontrés au début de 2006 à l’initiative de l’évêque Bolleter. Là, nous avons jeté les bases d’une nouvelle conception, la « Methodist e-Academy », dont la phase de test a commencé l’automne dernier avec un premier cours. Ce nouveau programme de formation dispensé essentiellement sur Internet réunit les possibilités qu’offrent les formations à distance, à des éléments interactifs et à des séminaires conjoints en un lieu central. Ce programme réunit des étudiants de toute l’Europe dans les deux langues allemand et anglais. Ce type de formation est une formule d’avenir, j’en veux pour preuve l’intérêt qu’elle suscite à l’intérieur de l’Église auprès de l’agence générale citée précédemment ainsi que par les retours de partenaires œcuméniques.

Dans deux autres thématiques semblables, je suis engagé à partir de la Conférence centrale dans des initiatives regardant l’Église dans son ensemble. D’une part, je continue d’assurer également après mon élection comme évêque la présidence de la Consultation de Genève en charge de la formation dans le méthodisme francophone. Si une grande langue est négligée au sein du méthodisme mondial, c’est bien le français. Depuis que l’Église méthodiste de Côte d’Ivoire a rejoint l’EEM, le français est devenu la seconde langue de l’EEM, avant même l’espagnol. La Consultation de Genève est actuellement le seul endroit où peuvent être recueillies et suivies les préoccupations communes émergeant des différentes Conférences francophones de l’EEM. La branche francophone de notre Conférence centrale, peu importante numériquement parlant, est très engagée dans cette plate-forme. En un temps de migration croissante, une telle coopération internationale devient de plus en plus importante. Un effet inattendu : cette année encore, deux communautés de Paris créées par des méthodistes de Côte d’Ivoire seront transférées à la Conférence annuelle Suisse-France.

Par ailleurs, dans le cadre des différents mandats que les évêques en activité exécutent pour le compte du Conseil des Évêques, je suis membre d’un groupe de travail de la Conférence générale chargé de la formation théologique et de la croissance spirituelle. Ici, un grand nombre de fils se croisent, entre autres, ceux que je rassemble dans le cadre de la « Methodist e-Academy » en Europe et de la Consultation de Genève pour le méthodisme francophone. À la prochaine Conférence générale en 2012, le groupe de travail vise à élaborer et à présenter une stratégie globale pour la formation théologique dans notre Église, à la fois pour le territoire des États-Unis et pour les régions en dehors des États-Unis.

Retour à notre Conférence centrale : les Conférences font partie intégrante de l’identité méthodiste. Elles suscitent rarement du bonheur à l’état pur. La Conférence annuelle est vécue souvent comme quelque chose de pénible, ce qui a conduit, par exemple, la Conférence annuelle Suisse-France, au cours des dernières années, à modifier la présentation des rapports, à porter davantage ses regards sur le futur, à approfondir un thème principal et à réduire la durée des séances. C’est ainsi que des changements positifs ont eu lieu. J’encourage volontiers ce genre de processus dans d’autres Conférences. Nous avons ainsi supprimé, par exemple, la répétition des rapports déjà présentés dans les Conférences de district de chaque pays de la Conférence annuelle de la République tchèque et de la République slovaque. Nous travaillons davantage sur les priorités et les impulsions thématiques qui, pour les deux pays, sont pertinents et significatifs à l’avenir. Les Conférences annuelles sont d’importants lieux de rencontre, de délibérations communes, des lieux où sont fixés les orientations communes et les objectifs pour l’avenir.

Plus cela réussit, plus les Conférences annuelles gagneront en importance. Il en va de même d’ailleurs pour les réunions organisées aux autres niveaux (Conférences de district, Conférences centrales et Conférences générales).

  1.  La mission de l’Église et notre réseau de connexion

Le quatrième point important pour mon ministère, que j’avais cité il y a quatre ans, était : «Fortifier la solidarité intra-ecclésiale (la connexion), au bénéfice d’un service efficace dans le monde». La solidarité intra-ecclésiale dans une structure de connexion est toujours à nouveau et à juste titre, mentionnée, comme une spécificité méthodiste. Comme chaque structure organisationnelle, elle court le danger de ne servir que ses propres intérêts et de se donner de nouvelles tâches pour se créer des occupations ne concernant qu’elle-même. Elle a cependant, dès son origine, une fonction de service, d’une part pour contribuer à l’unité et d’autre part pour favoriser l’aptitude à un service plus efficace dans le monde.

En tant qu'Église Évangélique Méthodiste, nous ne sommes ni une fédération d’églises locales congrégationalistes, ni une Église de constitution nationale. Nous essayons bien plus de vivre l’unité, d’abord dans une relation mondiale, au sein de notre connexion méthodiste, sachant bien qu’il existe une unité plus grande encore, l’unité de l’Église universelle, à laquelle nous sommes appelés. Le ministère de l’évêque doit veiller à la réalisation de cette double unité, dans sa propre Église aussi bien que dans l’ensemble des Églises qui forment le corps unique du Christ. Pour cette raison, mon ministère ne se limite pas à la Conférence centrale de l’Europe du Centre et du Sud. Dans le cadre de l’EEM mondiale et du Conseil des Évêques, j’ai été élu pour quatre ans (2008-2012) à la présidence de la commission permanente pour les Conférences centrales. Cette commission a reçu la mission de préparer, pour la Conférence générale de 2012, des propositions relatives à la localisation et au nombre de nouveaux diocèses à créer, par suite de la forte croissance de l’Église en dehors des États-Unis. Elle s’occupera également de la poursuite du processus de modification des structures concernant l’ensemble de l’Église, comme l’explique le rapport sur la Conférence générale, adressé à la présente Conférence centrale. Par ailleurs, je participe, en tant que représentant de pays extérieurs aux États-Unis, à un petit groupe d’études du Conseil des Évêques qui révise le document de base des années quatre-vingt intitulé « Pour la protection de la Création – la crise nucléaire et une paix juste ». Ce nouveau document traitera des trois grands dangers qui menacent la vie de toute l’humanité : les armes nucléaires et autres moyens de destruction massive, le réchauffement climatique ainsi que la pauvreté. L’écoute d’avis d’experts et des forums de débats dans l’Église contribuent à la réalisation du document de base. Ils préparent dès à présent sa discussion après parution.

La structure de connexion assure un service à l’intérieur de notre propre Église. L’organisme fondamental dans l’EEM, en effet, n’est ni la circonscription locale, ni la Conférence générale mondiale, mais la Conférence annuelle. Celle-ci unit, dans son territoire, les églises locales et les circuits. Elle a pour mission de préparer et d’équiper les églises locales pour leur service et de promouvoir l’édification de l’Église dans l’ensemble du territoire de la Conférence. À une époque où l’individualisation augmente, pas seulement en Europe occidentale, la structure de connexion prend une signification importante. Elle permet de trouver ensemble un consensus sur les grandes lignes de l’accomplissement du mandat missionnaire.

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« Les organismes fondamentaux de l’Église sont les Conférences Annuelles…» (Art.11)

« La mission de la Conférence Annuelle consiste dans la préparation et l’équipement de ses églises locales pour leur service, ainsi que dans la formation d’une communauté de service (connexio) dépassant les limites de l’église locale, afin de susciter des disciples à Jésus, pour la gloire de Dieu ». (Art.601)

Le ministère de l’évêque est, lui aussi, un service contribuant à l’unité. L’évêque réunit dans sa personne l’image que donne l’organisme de la Conférence centrale lors de ses sessions : connecter des Conférences annuelles, organismes fondamentaux de l’Église, de telle façon qu’elles continuent à cheminer ensemble et à s’entraider dans l’accomplissement de leur mission. Le diocèse de l’Europe du Centre et du Sud a été et reste toujours une construction particulière. Un ensemble de tant de pays, de langues, de cultures, d’arrière-plans religieux et de systèmes politiques différents, n’existe nulle part ailleurs dans l’Église. La plupart des Conférences annuelles dans cette Conférence centrale, sont très petites. Souvent elles ne sont, vu leur taille réduite, que des Conférences annuelles provisoires. En dehors de l’Évangile et des origines méthodistes, il n’existe aucune base unificatrice commune dans les structures étatiques, la culture ou la langue. Le lien de la connexion méthodiste est d’autant plus important. L’évêque devient un constructeur de ponts entre pays et Conférences. En exprimant cela de façon moderne, je me vois comme quelqu’un qui noue des liens dans un réseau. Les initiatives, des idées et des personnes d’un pays peuvent ainsi porter du fruit dans les questions et besoins d’un autre pays. L’évêque noue des nœuds entre les mailles de ce filet, que ce soit à l’intérieur de la Conférence centrale ou, au-delà de ses limites, dans l’EEM mondiale. C'est une belle chose de savoir que, dans ce tissu de relations si divers de la connexion méthodiste, d’autres personnes se joignent à cette interconnexion et que cette connexion est renforcée spirituellement par les prières d’un grand nombre de personnes.

La structure de connexion doit cependant aussi faciliter un service plus efficace dans le monde. Le mandat missionnaire demandant de conduire des hommes et des femmes vers Jésus Christ pour qu’ils le suivent, n’est pas destiné à assurer la conservation de l’Église ou quelque autre objectif limité à l’Église elle-même. Le but est le changement du monde. Il est vrai que le monde change de lui-même. Il n’attend pas que des chrétien (ne) s s’y engagent. Le monde ne reste pas tel qu’il l’était. Les changements se réalisent à grande vitesse, et cela encore plus rapidement dans les pays anciennement communistes qu’en Europe occidentale. Sécularisation, postmodernisme, individualisme, hédonisme, matérialisme, capitalisme, ne sont que quelques mots-clefs qui peuvent être énumérés pour décrire la situation sociale en Europe. Ils sont apparentés. Dans beaucoup d’aspects, ils sont des reflets les uns des autres, à partir de divers points de vue.

Parmi les changements qui posent le plus de défis au service dans notre Conférence centrale, je mentionnerai les suivants :

  1. La société de consommation occidentale, a envahi les pays anciennement communistes dans l’Est de l’Europe centrale-orientale et dans les Balkans. La chute des régimes communistes était ardemment attendue, mais dans les premiers temps qui ont suivi, ce ne furent que peu de personnes qui profitèrent du changement. Les autres gisaient à terre, renversés, écrasés. À présent, dans la plupart de ces pays, une deuxième phase a commencé, une phase dans laquelle les nouvelles routes et les nouveaux temples de la consommation deviennent des attractions vers lesquelles se portent tous les désirs : l’ascension matérielle devient le but de vie qui dépasse tous les autres. Là, pourtant où l’on ne considère plus que la vie terrestre, une soif frénétique de vie et une peur panique de la mort vont prendre le dessus.
  2. Par suite de l’élargissement de l’Union Européenne, cinq pays de la Conférence Centrale en sont devenus de nouveaux membres. D’autres pays des Balkans occidentaux aimeraient bien s’affilier à l’Union Européenne. Les discussions en vue d’une Union Méditerranéenne, incluent également l’Algérie et la Tunisie. Dans de telles initiatives, sur le terrain politique, il ne s’agit pas seulement de questions économiques, mais aussi de la réalisation d’un droit étatique commun, engageant tous les partenaires. ; il s’agit aussi de prendre conscience du sens de valeurs chrétiennes fondamentales, dans la vie sociale commune.
  3. Les jeunes se développent dans un monde complètement différent de celui qui a imprégné leurs parents. Dans l’Europe centrale-orientale et dans les Balkans, ils ont l’impression que leurs parents exagèrent énormément lorsqu’ils racontent combien la vie était difficile à l’époque communiste. Les ponts entre générations se rétrécissent. Il est vrai qu’un excellent travail est accompli par l’Église, parmi les enfants. Réussira-t-on cependant à amener des jeunes et de jeunes adultes à suivre Jésus Christ, à leur faire une place dans nos communautés et à leur donner l’occasion de faire fructifier leur engagement dans la mission de l’Église ?
  4. L’Europe ne devient pas seulement de plus en plus multiculturelle. Elle devient aussi multireligieuse. Des personnes originaires de pays européens, comme de pays extra-européens, vivent parmi nous. Les flux migratoires continueront à augmenter. La vie commune se fera plus exigeante. En tant que chrétien (ne) s nous devrons encore davantage apprendre à entrer dans un dialogue au sujet de différentes convictions religieuses et à vivre notre foi, par la parole et les actes, avec un témoignage qui libère et non un endoctrinement qui contraint. En Europe, nous aurons encore à apprendre à nous comporter avec respect à l’égard de la minorité musulmane vivant parmi nous. À l’inverse, en Afrique du Nord, la présence chrétienne suscite des craintes. Les Églises et leurs membres ont à relever le défi de vivre leur foi de façon appropriée au bien de leur pays.

Le monde change par lui-même. Comment allons-nous changer le monde, en tant que personnes qui suivent Jésus Christ ? Les Principes Sociaux que l’EEM continue d’actualiser depuis cent ans, indiquent des convictions fondamentales qui doivent déterminer l’action concrète. La coopération au sein de la Communauté d’Églises Protestantes en Europe (CEPE) ainsi qu’avec d’autres Églises, dans des instances œcuméniques, rend possible notre participation, en tant qu'Église numériquement petite en Europe, à la réflexion sur les questions sociostructurelles. Cela est, par exemple le cas, au niveau national, dans la coopération avec d’autres Églises protestantes ou groupes de travail œcuméniques et responsables d’Églises, et au niveau européen, par l’intermédiaire de la Conférence des Églises Européennes (CEC-KEK), à notre participation aux discussions actuelles à Bruxelles. En même temps, chaque église locale a, par son rayonnement dans la société, un impact dans ce monde, par exemple au moyen de la solidarité et de la compassion pour des concitoyens, des projets de diaconie sociale, des services publics et des engagements personnels de ses membres dans la politique et la société.

Vivre la connexion méthodiste au bénéfice d’un service efficace dans le monde va de pair avec une solidarité vécue. C’est pourquoi le Réseau pour la Mission et la Diaconie de la Conférence Annuelle Suisse/France s’est aussi donné, conformément à ses objectifs, le nom de Connexio. Connexio, le Fonds Mission en Europe, des instances mondiales de l’EEM, des partenariats entre églises locales et, derrière tout cela, d’innombrables méthodistes dans le monde entier, rendent possible, par leurs dons financiers, une compensation des charges. Sans la solidarité vécue avec grande fidélité par de nombreux méthodistes d’Europe occidentale, le travail dans les pays de l’Est ne serait pas possible. Par ailleurs s’éveille, dans l’Europe centrale orientale et dans les Balkans, la conscience que les membres d’église ne peuvent et ne veulent pas se limiter à rester des assistés, mais qu’ils ont à apporter leur contribution active. Sur le plan financier, les dons recueillis dans beaucoup de ces pays s’accroissent de façon réjouissante, même si l’on est encore loin d’atteindre une autonomie financière. C’est dans notre façon de considérer et d’utiliser la richesse, que se manifestera tout particulièrement, quelle est l’orientation de notre vie. Le sentiment de devoir encore posséder davantage, avant de pouvoir commencer à partager, est une constante humaine de base. En tant que personnes individuelles, communautés locales ou Eglise qui suivent Jésus Christ, nous devons nous entraîner à l’apprentissage essentiel consistant à devenir de bons intendant (e) s des multiples dons de Dieu. J’espère que vous vous comptez tous parmi les riches. Est riche, en effet, quiconque rend riches d’autres personnes en partageant des talents, des dons matériels, du temps et de l’amour.

Je suis rempli de reconnaissance lorsque je vois, en de nombreux lieux, comment des méthodistes qui suivent Jésus Christ, s’engagent pour le bien des autres. Des membres d’église donnent des cours de langue et de rattrapage scolaire à des familles étrangères et à leurs enfants. D’autres s’engagent dans la politique. Des pasteurs proposent des groupes de discussion bibliques en langues étrangères, aussi bien qu’ils le peuvent. De jeunes adultes offrent du temps et de l’amour pour le travail parmi les enfants et adolescents dont la plupart ne proviennent pas de familles méthodistes. Un (e) membre d’église accompagne une voisine dans des réflexions sur les expériences de la vie, sur Dieu et le monde. Des méthodistes des États Unis sacrifient le peu de jours de vacances dont ils disposent pour venir rénover et transformer nos immeubles anciens. Du partenariat entre une église locale des États Unis et une église de Slovaquie, est né un engagement missionnaire commun dans un troisième pays, en Amérique centrale. De tels exemples pourraient être multipliés. Nous ne devons pas avoir l’ambition de changer le monde entier, mais nous demander : qui sont les personnes concrètes auxquelles nous faisons du bien ?  Et quelles sont les préoccupations structurelles concrètes dans lesquelles nous apportons notre engagement pour la recherche du bien de nos contemporains ?

«…Partout où l’EEM avait une conscience claire de sa mission, elle a été utilisée par Dieu pour sauver des hommes et des femmes, pour guérir des relations, pour changer des structures sociales, pour répandre une sanctification conforme aux Saintes Écritures et ainsi, pour changer le monde…» (Art.121)

«...L’Église ne doit pas se soustraire à sa responsabilité d’être une communauté qui apporte un témoignage et un service, sinon elle perd sa force vitale et son influence sur un monde incroyant.» (Art.128)

La mission d’«amener des hommes et femmes à suivre Jésus Christ pour que le monde soit changé» se développe dans des formes les plus diverses. Elle se manifeste de la façon la plus claire dans l’église locale. Si suivre Jésus Christ n’est pas vécu par la parole et l’action, la communauté a perdu ce pourquoi elle était spécifiquement destinée dès les origines. Je remercie toutes celles et tous ceux qui, dans notre Église, vivent cette mission, au sein de l’église locale, du réseau méthodiste et dans la société. Au plus profond de nous, et de par notre foi, ce sera une mission que nous vivons pour honorer Dieu. Amener des hommes et des femmes à suivre Jésus Christ n’a pas seulement pour but de changer le monde, mais sert finalement à la louange de Dieu qui a créé ce monde qu’il aime. Dans cet esprit, je voudrais conclure avec le texte biblique dont, il y a quatre ans, à l’occasion du culte suivant mon élection au ministère d’évêque, j’avais cité un verset :

«Voilà pourquoi je plie les genoux devant le Père, de qui toute famille dans le ciel et sur la terre tient son nom. Je prie qu’il vous donne, conformément à la richesse de sa gloire, d’être puissamment fortifiés par son Esprit dans votre être intérieur, de sorte que le Christ habite dans vos cœurs par la foi. Je prie que vous soyez enracinés et fondés dans l’amour pour être capables de comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur de l’amour de Christ, et de connaître cet amour qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu.

À celui qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons, à lui soit la gloire dans l’Église et en Jésus-Christ, pour toutes les générations, aux siècles des siècles ! Amen !»

(Ep 3.14-21)